mercredi 29 juin 2011

Le tout-tourisme photographique

L'autre jour que je me promenais dans les jardins de Versailles, je me suis aperçue que nous étions dans une de ces périodes propices à la photographie. Pas n'importe quelle photographie bien sûr, celle de l'amateur évidemment. La saison estivale débute : les beaux jours s'installent, les vacanciers débarquent et les appareils photos sont de sortie. Tout est bon à capturer. A Versailles, il ne devait certainement pas y avoir un groupe de touristes sans un appareil photo. En voyant tous ces photographes amateurs, cela m'a rappelée la célèbre photographie de Martin Parr qui nous montre un groupe de touristes se faisant immortaliser devant le Parthénon à Athènes. Cette image n'est autre qu'une ironie de la photographie qu'on appelle « touristique ».

L'été est certainement le moment de l'année où l'amateur produit le plus de photos. Depuis la « démocratisation » de la pratique photographique, cela a toujours été. A partir du temps où les appareils photos ont été simplifiés et rendus accessibles aux classes moyennes (c'est-à-dire dans les années 1960 avec l'arrivée du premier Instamatic chez Kodak), la photographie est devenue populaire. Pour mieux comprendre ce phénomène, il nous suffit simplement de rappeler la raison de cet art populaire. Qu'est-ce qui nous pousse davantage au déclenchement de l'appareil photo pendant ces moments de distraction qu'en temps courant ?


Lors de nos loisirs ou de nos vacances, nous sortons du cadre quotidien, nous quittons nos occupations habituelles. Comme l'explique Rachid Amirou dans son livre Imaginaire touristique et sociabilité du voyage : « L'espace des vacances est une scène bien séparée du monde ordinaire, un simulacre d'île. C'est un univers théâtral. »1 Ces moments de détente sont consacrés à de la détente, à des activités sportives, à des divertissements, ou encore à des visites touristiques. La plupart du temps, nous aimons capturer ces instants par le moyen photographique. La photo touristique est souvent construite à partir d'un monument, d'un site célèbre ou d'un paysage digne d'une carte postale. Avec ces tableaux comme guise de scène, nous pouvons ainsi confirmer l'affirmation de Rachid Amirou qui parle de « théâtre » pour désigner l'espace des vacances.

Il nous arrive fréquemment de poser devant ces cadres. De cette manière, nous n'éternisons pas seulement le monument, mais plutôt nous-mêmes devant les édifices. Le monument c'est en fait le loisir-même et c'est ce que le photographe amateur va solenniser. Les images qui en résultent célèbrent ces temps forts que sont les loisirs et les vacances. De plus, la photographie nous permet, à nous touristes, de réaliser nos propres « cartes postales ». Ce sont nos images de paysages. C'est nous qui les avons prises.


Enfin, nous pouvons affirmer que la photographie s'impose aux touristes. Elle permet l'appropriation des lieux et elle sert de « support d'une remémoration individuelle ou collective »2, pour emprunter l'expression à Catherine Bertho Lavenir, auteur de l'ouvrage La Roue et le stylo. Cette dernière explique par ailleurs :


« L'usage social de la photographie ne se borne pas au moment du voyage. Les clichés permettent de s'en remémorer les moments intenses, entre participants, et de le re-présenter à ceux qui ne l'ont pas fait. De la même façon que la mémoire choisit les souvenirs, un tri s'opère dans les photographies. Épuré, simplifié, débarrassé de ses scories, le voyage photographique devient le voyage idéal. »3


La photographie est donc là pour rendre compte de ces moments idéaux, elle se doit de les représenter ainsi.

1Rachid Amirou, Imaginaire touristique et sociabilité du voyage, éd. PUF, collection « Le Sociologue », Paris, 1995, p. 117.

2Catherine Bertho Lavenir, La Roue et le stylo, éd. Odile Jacob, collection « Le Champ médiologique », Paris, 1999, p. 263.

3Ibid., p. 268 – p. 269.

lundi 13 juin 2011

Joachim Mogarra



Avez-vous remarqué, vous aussi, l'affiche choisie pour illustrer, cette année, la cinquième nuit européenne des musées qui s'est déroulée le mois dernier ? Il s'agit d'une photographie représentant des individus qui se dirigent vers l'entrée d'un lieu. L'auteur de cette image n'est autre que Joachim Mogarra. L'artiste utilise des moyens très simples ; avec un rien, il fabrique une petite saynète dans le noir : des bonhommes en papier, une maquette et une lune peut-être bien en papier mâché.


Cette affiche est tout à fait représentative de son oeuvre. En effet, Mogarra transcrit le monde dans son langage, celui des petits objets et de la photographie. Il accompagne souvent ces images de courts textes écrits à la main. L'association des deux crée généralement de l'amusement chez le spectateur.




Pour ces images, il emprunte un imaginaire enfantin qui parle d'aventure et met en scène des jouets. Dans la plaquette de sa dernière exposition, « Une vie aventureuse », qui a eu lieu au Point du Jour à Cherbourg, est écrit : « L'écart visible entre l'image et ce qu'elle est cencée représenter, les différences d'échelle et le mélange des registres provoquent immédiatement le rire ; mais avec légèreté ce sont aussi nos manières de voir et de penser que ces clichés mettent en question. »

En attendant sa prochaine exposition, vous pouvez vous procurer Récits de voyage paru cette année aux éditions du Point du Jour. Ainsi, vous pourrez profiter de l'univers jubilatoire de Joachim Mogarra.