Sous un déluge de pluie, vendredi dernier, j'ai trouvé la force de défier les éléments pour me rendre dans certains lieux de la Quinzaine Photographique Nantaise.
La quatorzième édition de l'évènement propose cette année d'explorer le thème de la nature humaine en abordant le « Je ». C'est donc le deuxième volet de la thématique puisque le « Nous » a été exposé en 2009. Ce deuxième opus traite de l'image de soi, de la construction du « je » mais aussi de la standardisation de l'individu, des codes communs.
Le Temple du Goût expose pour cette édition des travaux remarquables tant ils parlent de phénomènes sociaux qui nous touchent quasiment tous. Jen Davis, jeune photographe américaine, se donne à voir dans une série d'autoportraits où elle transpose dans ses photographies son manque de confiance en elle par rapport à son propre corps. La photographie devient miroir et met en jeu des questions d'identité, des questions autour des modèles de beauté. C'est une série photographique très troublante tant elle est juste dans son propos. La photographe explique : « La plupart des clichés ont […] été pris chez moi, montrant des aspects intimes de ma vie. Mon travail est à la fois le fruit d'expériences personnelles que j'ai recomposées dans mes photographies, mais il consiste aussi en certains fantasmes mis en image, concernant l'amour et le désir inhérents à toute relation physique. » Cette mise à nu de l'auteur est poignante. Elle met à mal les images des canons de beauté véhiculées dans notre société et brise les tabous qui existent, selon moi, autour de l'image, du corps, du désir, mais aussi de la sexualité de la femme ronde, de la femme grosse, voire de la femme obèse.
Dans un tout autre registre, Mathieu Grac expose le « Je » des internautes, plus précisément des individus qui appartiennent aux réseaux sociaux du net tels que les sites de rencontre. Pour la série « Boyz n' girlz du net », le photographe met en scène ces jeunes gens qui se mettent en scène eux-même en se prenant en photo. Ces images que fabriquent ces personnes (adolescents pour la plupart) sont destinées à compléter un profil créé sur un site, ou à être échangées sur la toile. Elles mettent en évidence des codes de la séduction qui nous sont communs, communs tout au moins aux utilisateurs de ces sites.
La mosaïque que Mathieu Grac présente a été réalisée à partir d'images qu'il a accumulé sur le site misscara.com, un site qui se veut être le plus grand concours de beauté du net. Les codes de la séduction sont encore abordés. Les images de la mosaïque révèlent en fait qu'elles se ressemblent toutes tant les postures des sujets sont les mêmes. Ce qui est incroyable dans ce travail c'est la mise en évidence d'une exhibition gratuite accessible à tous.
Le photographe réussit à travers ces deux travaux à parler des codes communs autour de la fabrication de notre image dans l'unique but de créer de la séduction ; ces deux séries expriment très clairement l'exaltation d'un narcissisme ultra affirmé.
On trouve au Forum de la FNAC et à l'Atelier des archives de la photographie judiciaire. Cette collection a été réalisée par Raynal Pellicer. Il s'est en effet intéressé au système inventé par Alphonse Bertillon en 1870, l'anthropométrie judiciaire, aussi appelé « système Bertillon » ou « bertillonnage ». Cette accumulation met en avant une standardisation de l'individu. La photo judiciaire face-profil est un procédé d'uniformisation.
Le « Je » est multi-déclinable comme le montre ces trois exemples. La Quinzaine Photographique Nantaise de cette année est encore une réussite. Je vous invite donc à découvrir ces artistes qui développent ce sujet sous différentes formes. Je n'ai pas parlé de tous les travaux mais je pense que chacun peut apprécier un des différents « moi » qui lui est présenté. Vous avez jusqu'au 13 octobre prochain.
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